Le Mémorial d'Izon
Histoire du Mémorial et des cérémonies
Le Mémorial National est exactement sur
le terrain où les martyrs ont été enterrés
le 25 février 1944.
Rapidement, il a été entouré sommairement d’un grillage. Il semble être resté dans cet état jusqu’ à la première inauguration jusqu’ en 1949.
Dans les premières années après la Libération il y a eu une foule énorme. Un groupe imposant de gendarmes rend les honneurs sur une des photos.
De premiers aménagements sont faits en 1949, à l’initiative des anciens du Maquis Ventoux. Les travaux sont réalisés
par un artisan de Laborel, Pascal, aidé par
son frère, René Pascal, d’ Eygalayes (décédé
le 4 mars 2013).
Le responsable de l’ ONAC des exhumations de 1951, dans son rapport du 17 août 1951,
pour justifier le maintien des sépultures à Eygalayes décrit le monument :
‘’Je dois signaler que le cimetière d’ EYGALAYES se trouveà 2 km, à l’Est du village au bord d’une route, très accessible, dans un décor particulièrement harmonieux et émouvant.
Il se compose d’un mur de fond très épais de 2,50 m de hauteur environ, avec un retour aux extrémités droiteet gauche, moins élevé que le mur du fond. Le devant du cimetière est fermé par une colonnade de pierre sur toutesa largeur avec une grille de fer forgé
à deux battants dans le centre. Une croix de Lorraine d’environ 4 m. de haut et 2m de large surplombe le centre du mur du fond
où une plaque de marbre de 2 m, x 2 m, porte les noms des défunts.’’
Il n’y a pas encore la plaque citant un vers d’ Aragon:
‘’Et s’ il était à refaire je referais ce chemin’’.
Pour cette inauguration de 1949, on connait l’existence de deux discours (il y en a certainement eu d’autres), celui du maire
d’ Eygalayes, M. Lucien Delhomme et le Préfet de la Drôme, M. Robert Dupérier.
En 1984, certainement au moment ou Le cimetière devient Cimetière National a lieu une nouvelle inauguration officielle.
Il y a peu de changement dans l’allure du Monument.
Les pierres jointées sont recouvertes d’un revêtement jaune. Un mât est certainement implanté à cette occasion, pour y mettre
en permanence un drapeau tricolore.
Les cérémonies annuelles ont commencé dès 1945.
Les premières années elles ont eu lieu le 22 février ou le week-end le plus proche.
Par la suite, en raison des problèmes posés par
le climat, elles ont été organisées à Pâques, Pentecôte et depuis probablement une vingtaine d’années le Jeudi matin de l’Ascension.
Comme les organisateurs ne faisaient pas beaucoup de communication sur l’événement,
il n’ y eut que peu d’échos dans la presse régionale.
Les premières années, et durant de nombreuses années, le Préfet se déplace et même y fait
un discours.
Des parlementaires sont présents.
Et le temps passant, la cérémonie est devenue
de plus en plus ‘’vauclusienne’’.
La population locale y vient par habitude
tant l’émotion a été grande après ce massacre. Les élus et associations de résistance drômoises n’y sont pas conviés.
Hors des Baronnies cette tragédie tombe dans l’oubli.
Discours de Maxime Fischer
Le 20 mai 1993
Pour la cérémonie annuelle d’hommage au Mémorial National d’ Eygalayes
Nous sommes aujourd'hui hui rassemblés pour commémorer l’assassinat par les nazis, le 22 février !944, il y a 49 ans, des trente-cinq jeunes gens dont vous avez entendu appeler les noms il y a un instant.
Ils ont combattu et ils sont morts pour la Libération de la France, mais aussi pour la sauvegarde d’un certain nombre
de principes et de valeurs sans lesquels, pour un homme digne de ce nom, l’ existence n’a plus de sens.
Il s’agit de la Liberté, de toutes les Libertés, celle d’aller et de venir, celle d’avoir et d’émettre les opinions qui sont les siennes : politiques, philosophiques et religieuses, celle de se grouper, c’est-à-dire de s’ associer selon ses affinités et ses opinions.
Il s’agit aussi du respect de la personne humaine, de façon à ce qu’ aucun être humain ne puisse être sous la dépendance
d’un autre, ni contraint à des actions dégradantes ou avilissantes.
Il s’agit encore de la tolérance et de son corollaire, le droit à la différence, de façon à ce qu’ aucune discrimination ne puisse
être faite selon les opinions, d’après le sexe, la couleur de la peau, l’origine ou la nationalité.
Ces principes et ces valeurs ont un caractère universel.
Et ils pensaient, ces pauvres enfants martyrs, comme nous le pensons nous-mêmes et combien d’autres avec nous de par
le monde, que ce combat dans lequel ils ont fait à vingt ans, le sacrifice de leur vie, serait le dernier et qu’ allaient s’ouvrir
pour toujours et pour tous les portes de la Liberté et de la Fraternité.
Hélas, hélas !
Un demi-siècle s’est à peine écoulé, le sang est à peine sec sur les murs des fusillés, les fours crématoires de Ravensbruck, Auschwitz, Dachau, Dora, Bergen-Belsen et combien d’autres sont à peine refroidis, que les mêmes horreurs réapparaissent.
Et ce n’est pas au fin fond du monde, dans des peuplades que la civilisation n’aurait encore qu’ effleurées, qu’ on assiste à l’aube du XXe siècle à la résurgence des abominations contre lesquelles nous avons lutté, comme des millions d’autres partout dans le monde, et sont morts nos trente-cinq camarades.
C’est en Europe, dans des pays dits civilisés, à notre porte puisqu’ à une heure d'avion, que l’on voit des hommes en massacrer d’autres ainsi que leurs femmes et leurs enfants.
Et au nom de quoi ?
Au nom de la ‘’purification ethnique’’.
Et nous savons, nous, ce que ces mots veulent dire.
Ils signifient que lorsqu’ un groupe d’hommes se croit supérieur à un autre, il estime qu’ il a le droit de le supprimer physiquement.
Et le pire, c’est que la communauté internationale, c’est-à-dire nous, c’est-à-dire vous, s’avère incapable de mettre fin
à cette ignominie.
Les condamnations verbales pleuvent.
Les bourreaux s’en moquent !
Alors ?
Alors tous ceux qui, il y a cinquante ans, ont vécu cette époque de larmes et de sang, ont-ils fait tout ce qu’ ils auraient pu,
tout ce qu’ ils auraient dû pour en éviter le retour ? Avons-nous suffisamment porté témoignage ?
Avons-nous suffisamment alerté les générations qui nous ont suivis ?
Nous avons résisté et nous résisterons encore.
Mais nous étions peu nombreux et notre nombre s’est amenuisé et s’amenuise chaque année.
Notre seul espoir que ce monde ne retombe pas dans la nuit et dans le brouillard, repose sur les générations de ceux
qui sont déjà adultes et de ceux qui vont incessamment le devenir.
A eux de réussir ce que nous n’avons pas pu faire et ce, pour leurs enfants et les enfants de leurs enfants.
Notre espoir est en eux.
De toutes mes forces, je souhaite qu’ il ne soit pas déçu.
La Croix de Lorraine, fut proposée au général de Gaulle, le 1er juillet 1940 par le vice-amiral Emile Muselier.
L’idée était d’avoir, pour les forces françaises libres, un insigne et de l’opposer à la croix gammée des nazis.
L’ emblème devait devenir celui de la Résistance avec un V, comme Victoire.
Sur le Mémorial il y a une plaque de bronze qui porte les vers d’ Aragon :
" Et si c’était à refaire
Je referais ce chemin
Une voix monte des fers
Et parle des lendemains "
Ce poème est paru dans Les Lettres Françaises clandestines, n°7 du 15 juin 1943. Ce texte deviendra un des classiques
des ‘’Poèmes de la Résistance’’. Il a connu une diffusion foudroyante. Ces vers sont de toute évidence dédiés à la mémoire
de Gabriel Péri, fusillé le 15 décembre 1941.
A cette époque, Louis Aragon était réfugié à Dieulefit.