top of page

La tragédie

Les alertes

Le Maquis d’Izon a été prévenu plusieurs fois de menaces allemandes ou de la milice française contre les Maquisards. La certitude d’être protégés par le contexte de la montagne et le relief particulièrement difficile autour d’Izon la Bruisse a fait baisser la garde autour du Maquis. La vigilance n’est pas un réflexe permanent. Des hommes partent en permission et reviennent, c’est déjà un danger, mais quand ils ne reviennent pas ?? 

Le 19 janvier 1943, un homme du Maquis Ventoux, le sergent Jeannot a été arrêté à Laragne par des GMR. La Gendarmerie de cette localité avertit celle de Séderon qui transmet aussitôt la nouvelle aux chefs du Maquis Ventoux, qui décident par mesure de sécurité d'évacuer le camp d'Izon. Il déménage vers les Meyniers à Villesèche. Le départ s'effectue dans la soirée, en ordre échelonné, une section après l'autre.

14 février 1944 : Les FTPF de Pernes les Fontaine donnent l’alerte Cela a été relaté dans les mémoires d’un des responsables FTPF, MOUTTE, futur maire de Pernes les Fontaine. Ce document est déposé aux Archives Départementales du Vaucluse. Le 13 février 1944 les responsables FTPF décident d’aller à Sault, pour remettre un message écrit au chef du Maquis Ventoux. Le message l’avisait que le camp de Séderon allait être incessamment attaqué par les Allemands. Le déplacement vers Sault était particulièrement difficile à cause d'une chute de neige et surtout par la présence à Sault des Allemands enquêtant sur l'enlèvement du maire de Sault, et de trois autres collaborateurs fusillés par le maquis. Le 14, par -10°, avant le jour, ils partent pour Monieux où ils remettent ce pli à un autre Résistant qui rejoignit Sault à moto et remis le message en main propre de Philippe Beyne.

Huit jours plus tard le Maquis d’Izon était décimé.

 

Le lundi 21 Février 1944, à Séderon –

Un des responsables du Maquis Ventoux tenait son journal quotidien. Ce jour-là, il a écrit : "D'Artagnan (Beynes) quitte le PC avec Anatole et Francis vers 9 heures, pour aller au Buis, d'où Anatole doit partir pour la région de Carpentras. D'Artagnan été allé chercher son fils et sa fiancée qui doivent passer les fêtes de Mardi-gras avec nous"...(D'Artagnan et Francis) retournent à Séderon. A 15h ils sont au domicile de Kléber Espieu qui doit rentrer de Sisteron le soir même, avec Bruno Razzoli et Albert Felzner.

Vers 15 heures 30, Roger Louis, arrive depuis Gordes à bicyclette. Il informe ses compagnons que le 17 février la Gestapo a capturé 17 résistants d’Apt à Robion. Parmi les hommes arrêtés, deux connaissent tout particulièrement le Maquis Ventoux. A 16h, un appel téléphonique du garagiste Lattard, à Montbrun les Bains, message sibyllin, parfaitement compris : « Des charrettes viennent de passer, elles ne sont pas de chez nous. » Quelques minutes plus tard, deuxième appel téléphonique, cette fois, en clair, signalant le passage de deux voitures extrêmement suspectes. Félix Aubert et Bruno Razzoli sont envoyés au carrefour situé à environ un kilomètre de l'entrée du village, de la N 542 venant de Montbrun et de la N 546 vers Sisteron. Ils doivent observer la direction prise par les deux véhicules. Après une longue attente, Félix Aubert et Bruno Razzoli, reviennent dire qu'ils n'ont rien vu. En fait, au col de Macuègne les deux véhicules se sont arrêtés, bloquent la route, et les gestapistes contrôlent les rares personnes qui passent.’’ (Pierre Bonvallet)

​

L'attaque du Maquis d'Izon.

Simultanément ou peu après l'attaque de la Ferme Monteau, les témoignages divergent, c'est la 3° section, à la Ferme Jullien (dite Koenig) sur le territoire d'Izon et la 1ère sectionà l'école d'Izon, qui sont attaquées.

Ce 22 février, la 1ère section n'est pas au complet. Beaucoup ne seront, heureusement pour eux, pas là. Il y a des hommes qui sont en mission, à l'hôpital, ou même en permission, et ceux qui sont au Col Saint-Jean.

« Nous plaignons Toto, parti en permission le matin: il ne participera pas avec nous aux ripailles de demain, 22 février » (Rapport de Laurent Pascal – Juin 1944)

Le lundi 21 février, veille du Mardi Gras, les hommes ont déjà fait un peu la fête.

« La joie règne au camp. Après des mois et des mois de privations et d'indigence, nous allons, pour une fois, manger à notre faim. Chaque section, après un coup de main à Buis-les-baronnies, vient de recevoir un cochon pour son ravitaillement. Demain c'est MARDI GRAS.

...Toufou, le boucher-charcutier de la section, s'affaire autour du cochon. Nous admirons sa dextérité, mais aussi nous nous délectons à l'avance de ce que nous mangerons demain. Manger, manger à notre faim, cela ne nous est pas arrivé depuis longtemps (la nourriture et les boches sont nos deux soucis permanents). Le soir, en nous allongeant dans notre « sac à viande », nous parlons encore de mangeaille avec Blanchet (Georges BLANC,ndlt).(Rapport de Laurent Pascal – Juin 1944).

Y avait-il une sentinelle? Lozano dans « ses mémoires », dit qu'il n'y a personne ce matin. Il a entendu des bruits. Le chien qui aboyait, tout à coup se tait. Il a certainement reconnu Cyprien et Noiret.

Laurent Pascal, dans son rapport de juin, dit avoir enjambé le corps de Maurice COUTAND en sortant de l'école. Coutand a pu être trompé par les voix en français qu'il a pu entendre. Il a été abattu sans avoir pu tirer. A l'intérieur, tout le monde dort, à par Lozano qui a le temps de sauter par une fenêtre sur l'arrière et de s'enfuir en petite tenue.Car la confiance dans la position géographiqie d'Izon est telle, qu'a la première section, comme à la 3°, les hommes dorment non habillés, sans chaussures. Une situation d'urgence n'a pas été envisagée, ni les positions de replis.

 

« 22 février à l'aube, les allemands et miliciens attaquent le camp. Cela mitraille, parait-il, depuis un bon moment: je dors toujours.

xxx

​

​

​

​

​

Au lendemain de la tragédie,

les corps des Résistants tués à la ferme Bernard (« Camp Monteau ») à EYGALAYES ou trouvés dans les environs avaient été réunis, sur ordre du maire, Fernand Girard, en l’église du village. Après une toilette sommaire pratiquée par une sainte et dévouée femme, Madame Gauthier, ils furent photographiés individuellement par un photographe professionnel demandé par le magistrat municipal, en présence de ce dernier

et du lieutenant « Marchal » qui avait échappé au massacre et revint courageusement dans la localité afin de reconnaître et nommer ses malheureux camarades, en vue de rendre possible une identification ultérieure.

J’assistai à cette scène macabre ainsi qu’André Nicolas d’Eygalayes. Se posa alors le problème des sépultures. Fernand Girard évoqua l’éventualité d’une fosse commune. « Marchal » et l’abbé Roux, curé de Lachau plaidèrent avec insistance pour des inhumations séparées. C’est cette dernière solution qui, après d’âpres discussions, fut finalement adoptée. D’autant que Joseph Bernard, ancien maire et propriétaire de la ferme (« Camp Monteau » pour

la Résistance) où furent exécutés la plupart des jeunes gens, avait proposé de faire don, pour ensevelir les morts, d’une lande qu’il possédait au fond de la combe, en bordure de la route du col Saint-Jean.

 

​

​

​

​

​

Il était donc nécessaire de confectionner rapidement trente-deux cercueils (d’autres corps furent trouvés plus tard).

 

UNE NUIT ACTIVE DRAPÉE DE DEUIL A LA CALANDRE

 

L’abbé Roux qui s’était rendu en hâte à la Calandre par le trajet raccourci des sentiers de la montagne d‘Hozeron trouva auprès des entrepreneurs établis dans ce hameau, MM. Rolland et Augier (travaux publics) et Brissac (matériaux de construction) un accueil favorable et l’expression de sentiments de sympathie active envers la cause des victimes de la barbarie nazie. Collectivement la décision fut prise de construire, avec des volontaires des bières simples et solides faites de planches clouées. Il fallait opérer vite car on pouvait craindre un retour de la soldatesque allemande capable de nouvelles atrocités envers la population. Auguste Rolland et M. Augier père firent vider leur grand garage où étaient rangés des véhicules et autres engins de chantier. Les fenêtres du local ayant été occultées par les dames avec divers draps, tentures ou couvertures, le travail put être effectué pendant la nuit, clandestinement, à la lumière électrique. M. Brissac fournit le bois d’œuvre préparé à la scierie, ainsi que M. Ducouget (de Barabant). Dans ces conditions précaires et périlleuses une équipe de vaillants volontaires s’activa à la fabrication des longues caisses mortuaires.

Il s’agissait de Marchal, Auguste Rolland, Augier père, avec, venus de Lachau : Jacques Audibert, Raymond Vital, Albert Blanc, Henri Truchet ; Fernand Jouve d’Eygalayes s’était joint au groupe. M. Ville

maréchal ferrant de Lachau réalisa les plaques métalliques d’identification. L’infatigable abbé Roux assurait la liaison avec Eygalayes où d’autres cercueils étaient fabriqués

par Raoul Surgères aidé de Paul Mathieu avec le matériel fourni par

L. Thirion, négociant en bois. Ainsi se manifesta spontanément un profond élan de solidarité humaine et patriotique afin de donner aux dizaines de Résistants massacrés une sépulture digne de leur sacrifice.

 

CHARRETTES FUNEBRES

 

Des propriétaires décidés, Anatole Martin de La Borie et Louis Thirion d’Eygalayes attelèrent leur charrette et se chargèrent du transport des caisses de la Calandre à Eygalayes, au bas de l’église où eut lieu une mise en bière attentive grâce à l’inusable dévouement de Mme Gauthier aidée par quelques hommes, tandis que d’autres, au fond de la Combe se mobilisaient sous la direction des cantonniers des Ponts et Chaussées, Léopold Pascal et Flavien Jouve pour le creusement de la tranchée où devait s’effectuer l’ensevelissement.

 

Puis ce fut un long convoi funèbre de sept charrettes qui acheminèrent, au pas lent des chevaux et des hommes, leurs charges mortuaires. Outre ceux déjà nommés, Louis Jouve, Alphonse Nicolas, Aimé Jean, entre autres, participaient à ce triste défilé. Il fut conseillé aux femmes, par souci de sécurité, de ne pas suivre le cortège car on craignait une incursion des forces de répression, françaises ou allemandes.

Le champ où étaient ensevelis les maquisards fut aménagé sommairement. Il devint, après des agencements successifs, le Cimetière National d’Eygalayes où à lieu chaque année une cérémonie du souvenir (Lundi de Pentecôte puis jeudi de

l’Ascension).

Cependant, au début des années cinquante, un certain nombre de parents des victimes obtinrent l’autorisation de faire exhumer les corps de leurs proches afin de les amener dans la tombe familiale, à leur pays d’origine. Cette opération, placée sous l’autorité de deux envoyés du Ministère des Anciens Combattants, fut menée par la Croix Rouge de Lyon qui contrôlait les identifications à l’aide des indications donnés par les familles, scènes pénibles. Le Colonel Beynes, ancien chef du Maquis Ventoux (et d’Izon) était présent. Comment ne pas penser, avec le poète maquisard cité en exergue et dont le texte, sous la signature « Armandy », a été retrouvé par Josette Brunet :

​

« Jamais on n’oubliera les trente cinq croix blanches,

Le tout petit coteau qui n’avait pas de nom,

Les beaux gars de chez nous qui dorment près d’Izon

De leur dernier sommeil sous les fleurs et les branches. »

André Papias et Louis Josset

 Les 2 espions infiltrés...

Si l'on excepte la période précédant la Libération, les moyens allemands, tant humains que matériels, spécialisés dans la lutte contre la Résistance étaient relativement réduits, compte tenu de l'immensité du territoire à couvrir.  La mise à disposition d'une unité de la Wehrmacht est long-temps restée ponctuelle.

C'est pourquoi il ne suffisait pas que l'emplacement d'un maquis soit repéré. Il était nécessaire d'estimer au plus près l'effectif et de rassembler tous les renseignements possibles portant sur l'armement, le système d'alerte, les chemins d'accès, les voies de repli etc..  Dans le Sud-est, ce type de mission a été surtout accompli par les légionnaires français de la 8 Kp.II/3 Rgt Brandenburg, les plus aptes, par destination, pour reconnaître et infiltrer les maquis.

Dans le département des Basses Alpes (Alpes de Haute Provence), le camp "Fort de France" se trouve dans la montagne de la Haute Melle, près de Barrême. Il dépend d'un vaste secteur placé sous la responsabilité du capitaine Gérard Pierre Rosé, originaire de la Martinique, une des plus belles figures de la Résistance en Haute Provence. Le capitaine n'aura pas connu la Libération, pour avoir été fusillé par les Allemands le 18 juillet à la Barre d'Auran.

Jacques Lesdos, "Drakkar", Raymond Faux, "Flamand", tous deux Saint-cyriens et André Valentini, "Hervé", dirigent  "Fort de France". Les deux premiers assurent également les fonctions de chef et membre de l'équipe volante d'instruction. On note, sur un document organique, leur passage au Maquis Ventoux, pour une

Anvisite d'inspection, le 26 Janvier 1944. Jacques Lesdos et Raymond Faux, arrêtés au mois de m ars 1944,sont morts au camp de Neuengamme.

A Barrême, !’Hôtel Pascal est exploité par une famille toute dévouée à la Résistance. Le 3 mars 1944, deux hommes de "Fort de France" reviennent d'une mission à Digne et s'arrêtent à l'établissement où ils sont avertis que deux inconnus sont descendus à l'hôtel des Alpes .Fernand Isnard, chauffeur de la micheline aux Chemins de Fer de Provence - le fameux train des Pignes - qui a suivi une bonne partie de leurs déplacements, les a trouvés suspects et signalés  comme tels.

Sitôt arrivés à leur camp, les deux maquisards rendent compte à leurs chefs de ce qu'ils ont appris. Il est alors décidé qu'une équipe de six hommes, commandée par "Hervé" devra se trouver à Barrême le lendemain, dès sept heures trente, soit une heure avant le passage de la micheline, dans le cas où les deux suspects devraient quitter la région.

Le 4 mars 1944, à huit heures, alors qu'ils se dirigent vers la gare, ils sont interceptés au milieu du pont, sur l'Asse. Les armes braquées, prêtes au feu, ne leur laisse aucune chance. Ils doivent se laisser fouiller. Le rapide inventaire de leur vêtements et de leurs valises fait apparaître des pistolets Beretta, des grenades, des papiers en langue allemande, des cartes d'identité différentes et des tickets d'alimentation.

Ils prétendent  être chargés d'aider les maquis et de les contacter afin de connaître leurs besoins. Cela ne les empêche pas serrés de près, d'entreprendre la longue marche menant au camp de la Haute Melle.

Dès leur arrivée, ils sont interrogés et ils maintiennent leur version, tout en ajoutant quelqu’un informations sur leur activité supposée à Digne. Derechef, Jacques Lesdos part pour cette ville, muni de leurs papiers. Il apprend par la famille Courbon que deux hommes se sont présentés comme évadés à la Famille du Prisonnier .Ils ont demandé de fausses cartes d'identité en laissant leurs photos. Il suffit d'un coup d'oeil à Jacques Lesdos pour reconnaître les deux suspects. Il repart aussitôt pour le camp de la Haute-Melle. Sa religion est faite.

Les interrogatoires, séparés cette fois-ci,reprennent sur un autre ton et avec d'autres arguments. Si bien, qu'enfin, le plus jeune craque et révèle que lui-même et son compagnon travaillent pour les Allemands et qu'ils appartiennent à l'antenne de la Gestapo de Cavaillon. Les choses vont alors plus vite. Ils vident leur sac. Ils donnent les noms de leurs chefs, ainsi que ceux de certains résistants identifiés et dont les arrestations sont prévues. Espèrent-ils, faisant ainsi, sauver leur peau ?.

Louis Josset est le fils d'un important industriel parisien.  André Papias, ancien lieutenant au 2ème Régiment de Hussards, est originaire de Nemours où il est propriétaire d'un hôtel. Ces deux hommes ne sont pas des stipendiés des Allemands, mais des partisans convaincus de la cause nazie à laquelle ils apportent leur dévouement.

LE MERITE DE L'OPERATION REUSSIE CONTRE LE CAMP DU MAQUIS VENTOUX A IZON-LA--BUISSE LEUR REVIENT ET ILS LE RECONNAISSENT SANS AMBAGES.

Le 13 mars 1944, un tribunal du maquis est formé. Keller, un étudiant en droit à Aix-En-Provence, est désigné comme avocat. La sentence ne pouvant faire de doute André Papias et Louis Josset sont condamnés à mort et fusillés le lendemain à l'aube.

bottom of page